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Le Paysan, pourtant colosse aux pieds bien campés dans sa terre nourricière, est tombé de son piédestal en décembre 2007, le regard usé d'avoir regardé cette terre du square de la République devenu square Péraudin. Absent un an, il est de retour ce matin.

Il avait été donné par l'État à la ville de Vierzon pour célébrer l'ouverture du premier musée de Vierzon.


C'était en 1905, date coïncidant avec l'ouverture au public du jardin de la République, triangle de verdure sur le site du cimetière de l'ancien couvent des Capucins.

Don de la manufacture de Sèvres, la sculpture était à l'époque accompagnée de vases et jardinières, autant d'objets qui ont aujourd'hui disparu, certains sous les coups des frondes des ch'tiots de Vierzon.

C'est à Paris que Le grand Paysan est parti chercher des forces, dans l'atelier de Juliette Vignier-Dupin, spécialiste de la restauration du verre et du grès.

L'atelier, niché au coeur du 18e arrondissement, jouxte Montmartre et le Sacré Coeur. Et notre Paysan joue les stars dans cet atelier où la plus grande pièce a la taille d'un grand vase. Sur les étagères, pots, vases, assiettes, verres attendent que des mains expertes leur redonnent solidité et brillance.

Deux personnes ont travaillé sur la sculpture

Elles ont été deux à travailler sur la sculpture de Dalou. Juliette Vignier-Dupin était secondée par Caroline Mottais, historienne de l'art étudiante à l'école du Louvre. Elles ont mis trois mois à redonner vie au Paysan.

Un travail de recherche tout d'abord. A la manufacture de Sèvres, mais aussi au Musée d'Orsay. La manufacture n'a pas conservé le moule du « grand paysan ». La statue a été réalisée en trois tailles. Seuls subsistent le petit et le moule moyen.

Si l'original a été coulé en bronze, il existe plusieurs modèles du Paysan. Il est réalisé en grès céramique (technique proche de la porcelaine avec cuisson à la même température de 1200 à 1500 degrés).

Sèvres s'est impliqué dans ce genre de travail à la fin du 19e siècle, après 1870.

La manufacture, à la pointe des techniques, se devait de garder une longueur d'avance sur ses concurrents. D'autres manufactures parisiennes arrivaient sur le marché. Sèvres gardait son leadership grâce à la fabrication des pièces de grande taille.

 



Le travail de restauration s'est décomposé en plusieurs étapes.

D'abord passer la sculpture à l'aspirateur pour sérieusement la dépoussiérer avant de la nettoyer avec une éponge d'eau claire. Ensuite la délicate opération du sablage à la pierre ponce sous pression.
À chaque étape, l'atelier a réalisé un vrai reportage photographique montrant l'évolution du travail.
Après le sablage, est venu le temps du rinçage, à la vapeur d'eau sous pression.
Enfin, délicate étape avant sa reconstitution, le nettoyage des fissures, sans trop forcer.
Nettoyé, le Dalou fait bien son âge. Certaines fissures dues à la cuisson du grès ont pu être alourdies par la pollution et le gel.

Cent ans se sont écoulés, dont soixante dix coincés entre les usines et la route nationale. Ces fissures sont bouchées à la résine époxyde, consolidateur transparent. Le but du jeu n'est pas de refaire à l'identique mais bien de laisser apparent les traces du temps et des restaurations.

C'est donc un Paysan requinqué qui va retrouver cette semaine sa terre d'adoption.

De trois morceaux (buste, jambes et main droite), Juliette Vignier-Dupin va le reconstituer sur place et observer le socle qui, lui aussi, a subi les outrages du temps.

Le travail durera quatre jours, quatre jours durant lesquels nous pourrons tous souhaiter la bienvenue à notre grand Paysan, sujet d'innombrables cartes postales. Déjà dès 1905...

Alain Leclerc
22 fév 2011